samedi 1 juin 2019

Friedrich-Wilhelm Krüger


    • Friedrich-Wilhelm Krüger
      Friedrich-Wilhelm Krüger
      Photo d’avant 1938.

      Nom de naissance Friedrich-Wilhelm Theodor Krüger
      Naissance
      Strasbourg, Alsace-Lorraine annexée à l'Empire allemand
      Décès (à 51 ans)
      Gundertshausen, Autriche
      Suicidé
      Origine Drapeau de l'Alsace-Lorraine Alsace-Lorraine
      Allégeance Drapeau de l'Empire allemand Empire allemand
      Drapeau de la république de Weimar République de Weimar
      Drapeau de l'Allemagne nazie Reich allemand
      Arme Flag of the Schutzstaffel.svg Waffen-SS
      Grade Obergruppenführer-SS
      Années de service 1909-1945
      Commandement Höhere SS- und Polizeiführer (HSSPf)
      Conflits Seconde Guerre mondiale
      Friedrich-Wilhelm Krüger est un membre du parti nazi et un SS-Obergruppenführera, General der Polizeia (1941) et General der Waffen-SSa (1944), né le à Strasbourg (Alsace-Lorraine) et mort par suicide le à Gundertshausen (Autriche)1.
      De 1939 à 1943, il a été le HSSPf (Höhere SS- und Polizeiführer, chef supérieur de la SS et de la Police) dans le Gouvernement général, nom donné par les nazis à la Pologne occupée, non annexée. Il peut être considéré comme un des principaux responsables de l'Holocauste en Pologne, à la même aune que ses subordonnés, Odilo Globocnik ou Jürgen Stroop.
      Son frère aîné, Walter Krüger, a également été général SS, mais uniquement dans sa branche militaireb ; il s'est aussi suicidé quelques jours après la fin de la guerre en .

      Biographie

      Jeunesse, première guerre mondiale et années de crise

      Né à Strasbourg, dans l'Alsace-Lorraine annexée, il est le fils d'un militaire, Gustav Alfred Krüger et de Sophie Auguste Luise Elisabeth Helene Glünder2. Il entre en 1909 comme cadet à l'école militaire de Karlsruhe puis à celle de Gross-Lichterfelde3. En juin 1914, il est promu lieutenant en second dans l'armée allemande. Dès le premier jour de la guerre, son père est tué sur le front, à quelques kilomètres de l'endroit où il combat lui-même. Blessé trois fois au cours de la Première Guerre mondiale, il est décoré de la Croix de fer première et seconde classe. Il combat sur le front Ouest (notamment dans la bataille de Liège, la bataille des Frontières, à Ypres et en Alsace), et sur le front Est, en septembre-octobre 1916, en Ukraine4. Après la guerre, il s'engage dans une brigade navale et, en août 1919, rejoint le corps franc de Kurt-Jürgen Freiherr von Lützow. Son unité participe au putsch de Kapp5. En 1920, il retourne à la vie civile et devient employé d'une librairie jusqu'en 1923. En 1924, il est embauché dans l'entreprise de nettoyage public de la ville de Berlin, la BEMAG, jusqu'en 1928 puis, après des gros conflits avec la direction de l'entreprise, redevient entrepreneur à son compte. C'est à cette époque qu'il se serait lié d'amitié avec Kurt Daluege, ingénieur dans la même société de nettoyage, et membre influent du parti nazi.

      Un début de carrière foudroyant au sein du NSDAP

      En , Krüger entre au parti nazi et, en février 1931, rejoint la SS qu'il quitte deux mois plus tard pour rejoindre la SA. Il monte rapidement en grade grâce à Daluege et mène une réforme de la formation des recrues de l'organisation. Promu SA-Gruppenführer en 1932, il fait partie du cercle des amis proches d'Ernst Röhm. Il est par ailleurs élu député du Reichstag en 1932. Certaines sources décrivent Krüger à cette période comme le responsable de l'armement illégal de la SA. Himmler aurait dit un jour de lui que si Hitler avait ordonné à Krüger de voler la Grosse Bertha aux Français, il aurait réussi à lui faire passer la frontière vers l'Allemagne sans problème6. En juin 1933, il est promu SA-Obergruppenführer et devient le directeur de toute la formation pré-militaire des jeunes, appelée Ausbildungswesen. En coopération étroite avec la Reichswehr, il initie l'instruction des meilleurs éléments de la SA pour qu'ils accèdent au rang d'officier. Tout au début de la Nuit des longs couteaux, il transfère les arsenaux de la SA dont il a la charge à la Reichswehr. En 1934, il réintègre la SS avec le même grade que dans la SA avant d'être promu l'année suivante SS-Oberabschnittsführer. Son rôle entre la SA, la SS et la Reichswehr est mal connu. Les membres de la SA continuèrent longtemps de penser qu'il avait trahi la SA au profit de la SS au moment de la Nuit des longs couteaux7. En janvier 1935, Hitler décide de dissoudre l'Ausbildungswesen ; les 13 000 employés8 de la structure sont requalifiés, et Krüger se retrouve sans affectation d'importance pendant plus de quatre ans.

      Quatre ans de traversée du désert

      La dissolution de l'Ausbildungswesen est considérée comme un échec dans sa carrière, et Krüger ne doit ses attributions suivantes qu'à son amitié avec Heinrich Himmler. Le , avec l'approbation personnelle d'Hitler, il est nommé inspecteur des unités de gardes frontaliers ainsi que le représentant personnel de Himmler lors d’événements officiels du parti nazi. Il se consacre, durant ces années, à sa famille et à ses fonctions de conseiller municipal de la ville de Berlin et de membre honorifique du Volksgerichtshof (le « tribunal du peuple » nazi). Du fait, entre autres, de sa passion pour le cheval, il est nommé inspecteur de la cavalerie SS en 1938. Il effectue de nombreux voyages de représentation pour le compte de Himmler à cette période, comme en Italie fasciste, en mars 1939. Au moment où commence l'invasion de la Pologne par l'Allemagne nazie, il a depuis longtemps fait savoir à Himmler son désir d'être appelé à des fonctions plus importantes.

      Chef de la SS et de la police en Pologne

      Cracovie, 1939, parade des forces de police : Krüger, portant un casque, se tient derrière Hans Frank.

      Des attributions très larges

      Le , Heinrich Himmler le nomme Höhere SS- und Polizeiführer (HSSPf) du Gouvernement général de Pologne : dans le cadre de cette fonction, il est responsable de la police dans son ensemble (Sicherheitspolizei et Ordnungspolizei), de la « question juive » et de la germanisation du territoire. Dans le cadre du plan de Heydrich de créer des ghettos juifs, Krüger signe le 11 décembre 1939 un décret qui interdit aux Juifs de déménager, de sortir de chez eux entre 21 heures et 5 heures du matin et, à partir de janvier 1940, de prendre le train9. Hans Frank lui confie, au printemps 1940, l'exécution du plan AB-Aktion (Opération extraordinaire de pacification), qui vise à éliminer les Polonais résistants ou politiquement suspects au nom de l'ordre d'Hitler d'anéantir la classe dirigeante polonaise.

      Un conflit permanent avec l'administration civile

      Hans Frank, Gouverneur civil de la zone occupée, est en perpétuel conflit avec Krüger et la SS, que ce soit à l'échelon central où à l'échelle des districts, comme dans celui de Lublin, où le conflit entre Odilo Globocnik et Ernst Zörner reproduit celui de Krüger avec Frank. Ce conflit n'a pas pour objet une quelconque réticence de l'administration civile envers l'extermination des Juifs, comme Frank a essayé de le défendre plus tard, mais bien des questions de pouvoirs et d'attributions10 : Hans Frank refuse que son pouvoir soit court-circuité par l'envoyé de Heinrich Himmler dans le territoire, car Krüger n'est responsable que devant ce dernier. S'en suivent trois années de guerre ouverte, où Frank essaye de cultiver sa propre force de police, le Sonderdienst, sans succès. À la faveur d'une grosse affaire de corruption et de détournement de fonds révélée à la fin 1941, et qui touche Hans Frank, sa femme, et ses proches collaborateurs, la SS obtient que Krüger soit nommé secrétaire d'État aux questions de sécurité.

      La mise en place de la « Solution finale »

      Plaque commémorative de l'attentat de l'Armia Krajowa contre Krüger, le à Cracovie.
      Le , Himmler discute avec Krüger de la « question juive » en liaison avec le repeuplement à partir du Reich. Début , Heydrich informe Eichmann de la décision de Hitler prise fin septembre de la destruction physique des Juifs. Le , Krüger rencontre Himmler avec Odilo Globocnik pendant deux heures au cours desquelles Himmler approuve la création du camp d'extermination de Bełżec dans le cadre général d'un « nettoyage général de tout le Gouvernement général des Juifs et des Polonais pour la sécurité du territoire à l'Est »11. Le , Krüger est invité par Heydrich à participer à la conférence de Wannsee12 mais, comme il s'est blessé assez gravement13, c’est l'un de ses adjoints Karl Eberhard Schöngarth qui s'y rend à sa place. Le , Himmler lui écrit : « J'ordonne que la réinstallation de toute la population juive dans le Gouvernement général de Pologne soit mise en œuvre et achevée au . Le , il ne doit plus se trouver une seule personne d'origine juive dans le Gouvernement général si ce n'est dans les camps de transit de Varsovie, Cracovie, Radom, Lublin et Czestochowa14». Le , Himmler lui envoie l'ordre de vider le ghetto de Varsovie et ensuite de le raser. Krüger dirige alors, depuis Cracovie, la destruction du ghetto par Jürgen Stroop et la SS. Stroop, une fois le ghetto écrasé, envoie un rapport à Krüger et Himmler intitulé : « Il n'y a plus de quartier juif à Varsovie ». L'État secret polonais Armia Krajowa ordonne la mort de Krüger, mais le , une tentative d'assassinat à Cracovie échoue lorsque deux bombes lancées sur sa voiture ratent leur cible.

      Le retour à la carrière militaire

      Alors que les tensions augmentent entre la SS de Himmler et l'administration civile de Hans Frank, Hitler refuse de désavouer Frank lors d'une réunion le , et somme les parties de se réconcilier. Himmler, s'il veut améliorer la situation, est obligé de désavouer Krüger. À la faveur d'une demande de départ en vacances de la part de Krüger, Himmler le remplace, à son poste de HSSPf, par Wilhelm Koppe. Krüger quitte la Pologne en et est alors nommé à plusieurs postes successifs dans la Waffen-SS : il sert dans la 7e division SS de volontaires de montagne Prinz Eugen en Yougoslavie. En , il prend le commandement de la 6e division SS des volontaires de montagne dans le Nord de la Finlande puis, d' à , du 5e corps d'infanterie SS de montagne. En , il est le délégué de Himmler sur le front allemand sud-est et en il dirige une unité de combat de la Ordnungspolizei rattachée au groupe d'armées Ostmark. Lors de la bataille de Prague, il aurait été fait prisonnier et se serait ensuite suicidé dans un camp américain, le (à 51 ans). Son frère, Walter, général dans la Waffen-SS, s'est également suicidé, douze jours plus tard, le .

      Notes et références

      Notes

      1. a b et c Équivalent de général de corps d'armée en France ; en outre, Krüger a atteint ce grade dans la police (branche non militaire de la SS) comme dans la Waffen-SS (branche militaire combattante de la SS).
      2. Il a terminé la guerre au même grade : SS-Obergruppenführer und General der Waffen-SS.

      Références

      1. Larry Vern Thompson, Nazi administrative conflict : The struggle for executive power in the general Government of Poland, 1939-1943, Phd, University of Wisconsin, 1967, pages 261-262
      2. Acte de naissance n° 1436/1894 de la commune de Strasbourg.
      3. Martin Döring, “Parlamentarischer Arm der Bewegung”, Die Nationalsozialisten im Reichstag der Weimarer Republik, Droste Verlag, Düsseldorf, 2001, page 600
      4. Adolf Hüttmann, Friedrich Wilhelm Krüger, Das Infanterie-Regiment von Lützow (1. Rhein) Nr. 25 im Weltkriege 1914-1918, Verlag Tradition, WIlhelm Kolk, Berlin, 1929
      5. Bundesarchiv Freiburg, MSG/2/13583, Kriegstagebuch der Leutnant Fried.-Wilh. Krüger
      6. Kazimierz Moczarski, Entretiens avec le bourreau, Gallimard, Paris, 2011, pages 261 et 328
      7. Thilo Vogelsang, “Der Chef des Ausbildungswesens (Chef AW)”, in : Gutachten des Institus für Zeitgeschichte, Deutsche Verlags-Anstalt, Stuttgart, 1966, page 154
      8. Heinrich Bennecke, Die Reichswehr und der “Röhm-Putsch”, Günter Olzog Verlag, München, Wien, 1964, page 27
      9. Raul Hilberg, la destruction des Juifs d'Europe, Folio/Histoire vol.1 Gallimard 1995, p. 189
      10. (en) Edward J Erickson (préf. General Hüseyin Kivrikoğlu), Ordered to die : a history of the Ottoman army in the First World War, Westport, CT, Greenwood Press, coll. « Contributions in military studies » (no 201), , 265 p. (ISBN 978-0-313-31516-9, OCLC 43481698, lire en ligne [archive]), p. 493.
      11. Christopher Browning (trad. Jacqueline Carnaud et Bernard Frumer), Les Origines de la solution finale : l'évolution de la politique antijuive des nazis, septembre 1939-mars 1942, Paris, Les Belles Lettres, éditions du Seuil, coll. « Histoire », , 631 p. (ISBN 978-2-757-80970-9, OCLC 937777483), p. 763
      12. Raul Hilberg, op.cit., p. 346 n.32
      13. Christian Gerlach, Krieg, Ernährung, Völkermord, Forschungen zur deutschen Vernichtungspolitik im Zweiten Weltkrieg, Hamburger Edition, Hamburg, 1998, p. 108.
      14. Christian Baechler, Guerre et exterminations à l'Est : Hitler et la conquête de l'espace vital 1933-1945, Paris, Tallandier, coll. « Hors collection », (ISBN 978-2-847-34900-9 et 978-2-847-34906-1, OCLC 944886258), p. 380.

      Annexes

      Bibliographie

      Ouvrages sur Krüger

      • Nicolas Patin, Krüger, un bourreau ordinaire, Paris, Fayard, coll. « Biographies Historiques », , 308 p. (ISBN 978-2-213-70054-0, notice BnF no FRBNF45356700).
      • (de) Josef Wulf, Das dritte Reich und seine Vollstrecker : Die Liquidation von 500 000 Juden im Ghetto Warschau, Berlin, Arani Verlags GmbH, , p. 225-238.
      • Larry Vem Thompson, “Friedrich-Wilhelm Krüger. Höhere SS- und Polizeiführer Ost”, in : Ronald Smelser, Enrico Syring (Hg.), Die SS : Elite unter dem Totenkopf, Paderborn, 2000, p. 320-331.
      • Tuviah Friedman, Tuviah, Der Höhere SS- und Polizeiführer im Generalgouvernement, SS-Obergruppenführer Krüger, Israël, 1995, p. 1–23.

      Ouvrages généraux

      • (de) Ruth Bettina Birn, Die höheren SS- und Polizeiführer : Himmlers Vertreter im Reich und in den besetzten Gebieten, Düsseldorf, Droste Verlag, , 430 p. (ISBN 3-7700-0710-7).
      • (de) Werner Präg et Wolfgang Jacobmeyer, Das Diensttagebuch des deutschen Generalgouverneurs in Polen, 1939-1945, Stuttgart, Deutsche Verlags-Anstalt, coll. « Quellen und Darstellungen zur Zeitgeschichte », , 1026 p..
      • Larry Vem Thompson, Nazi Administrative Conflict. The Struggle for Executive Power in the General Government of Poland 1939-1943, Dissertation, University of Wisconsin, 1967.

      Liens externes

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    Friedrich-Wilhelm Krüger
    Friedrich-Wilhelm Krüger
    Photo d’avant 1938.

    Nom de naissance Friedrich-Wilhelm Theodor Krüger
    Naissance
    Strasbourg, Alsace-Lorraine annexée à l'Empire allemand
    Décès (à 51 ans)
    Gundertshausen, Autriche
    Suicidé
    Origine Drapeau de l'Alsace-Lorraine Alsace-Lorraine
    Allégeance Drapeau de l'Empire allemand Empire allemand
    Drapeau de la république de Weimar République de Weimar
    Drapeau de l'Allemagne nazie Reich allemand
    Arme Flag of the Schutzstaffel.svg Waffen-SS
    Grade Obergruppenführer-SS
    Années de service 1909-1945
    Commandement Höhere SS- und Polizeiführer (HSSPf)
    Conflits Seconde Guerre mondiale
    Friedrich-Wilhelm Krüger est un membre du parti nazi et un SS-Obergruppenführera, General der Polizeia (1941) et General der Waffen-SSa (1944), né le à Strasbourg (Alsace-Lorraine) et mort par suicide le à Gundertshausen (Autriche)1.
    De 1939 à 1943, il a été le HSSPf (Höhere SS- und Polizeiführer, chef supérieur de la SS et de la Police) dans le Gouvernement général, nom donné par les nazis à la Pologne occupée, non annexée. Il peut être considéré comme un des principaux responsables de l'Holocauste en Pologne, à la même aune que ses subordonnés, Odilo Globocnik ou Jürgen Stroop.
    Son frère aîné, Walter Krüger, a également été général SS, mais uniquement dans sa branche militaireb ; il s'est aussi suicidé quelques jours après la fin de la guerre en .

    Biographie

    Jeunesse, première guerre mondiale et années de crise

    Né à Strasbourg, dans l'Alsace-Lorraine annexée, il est le fils d'un militaire, Gustav Alfred Krüger et de Sophie Auguste Luise Elisabeth Helene Glünder2. Il entre en 1909 comme cadet à l'école militaire de Karlsruhe puis à celle de Gross-Lichterfelde3. En juin 1914, il est promu lieutenant en second dans l'armée allemande. Dès le premier jour de la guerre, son père est tué sur le front, à quelques kilomètres de l'endroit où il combat lui-même. Blessé trois fois au cours de la Première Guerre mondiale, il est décoré de la Croix de fer première et seconde classe. Il combat sur le front Ouest (notamment dans la bataille de Liège, la bataille des Frontières, à Ypres et en Alsace), et sur le front Est, en septembre-octobre 1916, en Ukraine4. Après la guerre, il s'engage dans une brigade navale et, en août 1919, rejoint le corps franc de Kurt-Jürgen Freiherr von Lützow. Son unité participe au putsch de Kapp5. En 1920, il retourne à la vie civile et devient employé d'une librairie jusqu'en 1923. En 1924, il est embauché dans l'entreprise de nettoyage public de la ville de Berlin, la BEMAG, jusqu'en 1928 puis, après des gros conflits avec la direction de l'entreprise, redevient entrepreneur à son compte. C'est à cette époque qu'il se serait lié d'amitié avec Kurt Daluege, ingénieur dans la même société de nettoyage, et membre influent du parti nazi.

    Un début de carrière foudroyant au sein du NSDAP

    En , Krüger entre au parti nazi et, en février 1931, rejoint la SS qu'il quitte deux mois plus tard pour rejoindre la SA. Il monte rapidement en grade grâce à Daluege et mène une réforme de la formation des recrues de l'organisation. Promu SA-Gruppenführer en 1932, il fait partie du cercle des amis proches d'Ernst Röhm. Il est par ailleurs élu député du Reichstag en 1932. Certaines sources décrivent Krüger à cette période comme le responsable de l'armement illégal de la SA. Himmler aurait dit un jour de lui que si Hitler avait ordonné à Krüger de voler la Grosse Bertha aux Français, il aurait réussi à lui faire passer la frontière vers l'Allemagne sans problème6. En juin 1933, il est promu SA-Obergruppenführer et devient le directeur de toute la formation pré-militaire des jeunes, appelée Ausbildungswesen. En coopération étroite avec la Reichswehr, il initie l'instruction des meilleurs éléments de la SA pour qu'ils accèdent au rang d'officier. Tout au début de la Nuit des longs couteaux, il transfère les arsenaux de la SA dont il a la charge à la Reichswehr. En 1934, il réintègre la SS avec le même grade que dans la SA avant d'être promu l'année suivante SS-Oberabschnittsführer. Son rôle entre la SA, la SS et la Reichswehr est mal connu. Les membres de la SA continuèrent longtemps de penser qu'il avait trahi la SA au profit de la SS au moment de la Nuit des longs couteaux7. En janvier 1935, Hitler décide de dissoudre l'Ausbildungswesen ; les 13 000 employés8 de la structure sont requalifiés, et Krüger se retrouve sans affectation d'importance pendant plus de quatre ans.

    Quatre ans de traversée du désert

    La dissolution de l'Ausbildungswesen est considérée comme un échec dans sa carrière, et Krüger ne doit ses attributions suivantes qu'à son amitié avec Heinrich Himmler. Le , avec l'approbation personnelle d'Hitler, il est nommé inspecteur des unités de gardes frontaliers ainsi que le représentant personnel de Himmler lors d’événements officiels du parti nazi. Il se consacre, durant ces années, à sa famille et à ses fonctions de conseiller municipal de la ville de Berlin et de membre honorifique du Volksgerichtshof (le « tribunal du peuple » nazi). Du fait, entre autres, de sa passion pour le cheval, il est nommé inspecteur de la cavalerie SS en 1938. Il effectue de nombreux voyages de représentation pour le compte de Himmler à cette période, comme en Italie fasciste, en mars 1939. Au moment où commence l'invasion de la Pologne par l'Allemagne nazie, il a depuis longtemps fait savoir à Himmler son désir d'être appelé à des fonctions plus importantes.

    Chef de la SS et de la police en Pologne

    Cracovie, 1939, parade des forces de police : Krüger, portant un casque, se tient derrière Hans Frank.

    Des attributions très larges

    Le , Heinrich Himmler le nomme Höhere SS- und Polizeiführer (HSSPf) du Gouvernement général de Pologne : dans le cadre de cette fonction, il est responsable de la police dans son ensemble (Sicherheitspolizei et Ordnungspolizei), de la « question juive » et de la germanisation du territoire. Dans le cadre du plan de Heydrich de créer des ghettos juifs, Krüger signe le 11 décembre 1939 un décret qui interdit aux Juifs de déménager, de sortir de chez eux entre 21 heures et 5 heures du matin et, à partir de janvier 1940, de prendre le train9. Hans Frank lui confie, au printemps 1940, l'exécution du plan AB-Aktion (Opération extraordinaire de pacification), qui vise à éliminer les Polonais résistants ou politiquement suspects au nom de l'ordre d'Hitler d'anéantir la classe dirigeante polonaise.

    Un conflit permanent avec l'administration civile

    Hans Frank, Gouverneur civil de la zone occupée, est en perpétuel conflit avec Krüger et la SS, que ce soit à l'échelon central où à l'échelle des districts, comme dans celui de Lublin, où le conflit entre Odilo Globocnik et Ernst Zörner reproduit celui de Krüger avec Frank. Ce conflit n'a pas pour objet une quelconque réticence de l'administration civile envers l'extermination des Juifs, comme Frank a essayé de le défendre plus tard, mais bien des questions de pouvoirs et d'attributions10 : Hans Frank refuse que son pouvoir soit court-circuité par l'envoyé de Heinrich Himmler dans le territoire, car Krüger n'est responsable que devant ce dernier. S'en suivent trois années de guerre ouverte, où Frank essaye de cultiver sa propre force de police, le Sonderdienst, sans succès. À la faveur d'une grosse affaire de corruption et de détournement de fonds révélée à la fin 1941, et qui touche Hans Frank, sa femme, et ses proches collaborateurs, la SS obtient que Krüger soit nommé secrétaire d'État aux questions de sécurité.

    La mise en place de la « Solution finale »

    Plaque commémorative de l'attentat de l'Armia Krajowa contre Krüger, le à Cracovie.
    Le , Himmler discute avec Krüger de la « question juive » en liaison avec le repeuplement à partir du Reich. Début , Heydrich informe Eichmann de la décision de Hitler prise fin septembre de la destruction physique des Juifs. Le , Krüger rencontre Himmler avec Odilo Globocnik pendant deux heures au cours desquelles Himmler approuve la création du camp d'extermination de Bełżec dans le cadre général d'un « nettoyage général de tout le Gouvernement général des Juifs et des Polonais pour la sécurité du territoire à l'Est »11. Le , Krüger est invité par Heydrich à participer à la conférence de Wannsee12 mais, comme il s'est blessé assez gravement13, c’est l'un de ses adjoints Karl Eberhard Schöngarth qui s'y rend à sa place. Le , Himmler lui écrit : « J'ordonne que la réinstallation de toute la population juive dans le Gouvernement général de Pologne soit mise en œuvre et achevée au . Le , il ne doit plus se trouver une seule personne d'origine juive dans le Gouvernement général si ce n'est dans les camps de transit de Varsovie, Cracovie, Radom, Lublin et Czestochowa14». Le , Himmler lui envoie l'ordre de vider le ghetto de Varsovie et ensuite de le raser. Krüger dirige alors, depuis Cracovie, la destruction du ghetto par Jürgen Stroop et la SS. Stroop, une fois le ghetto écrasé, envoie un rapport à Krüger et Himmler intitulé : « Il n'y a plus de quartier juif à Varsovie ». L'État secret polonais Armia Krajowa ordonne la mort de Krüger, mais le , une tentative d'assassinat à Cracovie échoue lorsque deux bombes lancées sur sa voiture ratent leur cible.

    Le retour à la carrière militaire

    Alors que les tensions augmentent entre la SS de Himmler et l'administration civile de Hans Frank, Hitler refuse de désavouer Frank lors d'une réunion le , et somme les parties de se réconcilier. Himmler, s'il veut améliorer la situation, est obligé de désavouer Krüger. À la faveur d'une demande de départ en vacances de la part de Krüger, Himmler le remplace, à son poste de HSSPf, par Wilhelm Koppe. Krüger quitte la Pologne en et est alors nommé à plusieurs postes successifs dans la Waffen-SS : il sert dans la 7e division SS de volontaires de montagne Prinz Eugen en Yougoslavie. En , il prend le commandement de la 6e division SS des volontaires de montagne dans le Nord de la Finlande puis, d' à , du 5e corps d'infanterie SS de montagne. En , il est le délégué de Himmler sur le front allemand sud-est et en il dirige une unité de combat de la Ordnungspolizei rattachée au groupe d'armées Ostmark. Lors de la bataille de Prague, il aurait été fait prisonnier et se serait ensuite suicidé dans un camp américain, le (à 51 ans). Son frère, Walter, général dans la Waffen-SS, s'est également suicidé, douze jours plus tard, le .

    Notes et références

    Notes

    1. a b et c Équivalent de général de corps d'armée en France ; en outre, Krüger a atteint ce grade dans la police (branche non militaire de la SS) comme dans la Waffen-SS (branche militaire combattante de la SS).
    2. Il a terminé la guerre au même grade : SS-Obergruppenführer und General der Waffen-SS.

    Références

    1. Larry Vern Thompson, Nazi administrative conflict : The struggle for executive power in the general Government of Poland, 1939-1943, Phd, University of Wisconsin, 1967, pages 261-262
    2. Acte de naissance n° 1436/1894 de la commune de Strasbourg.
    3. Martin Döring, “Parlamentarischer Arm der Bewegung”, Die Nationalsozialisten im Reichstag der Weimarer Republik, Droste Verlag, Düsseldorf, 2001, page 600
    4. Adolf Hüttmann, Friedrich Wilhelm Krüger, Das Infanterie-Regiment von Lützow (1. Rhein) Nr. 25 im Weltkriege 1914-1918, Verlag Tradition, WIlhelm Kolk, Berlin, 1929
    5. Bundesarchiv Freiburg, MSG/2/13583, Kriegstagebuch der Leutnant Fried.-Wilh. Krüger
    6. Kazimierz Moczarski, Entretiens avec le bourreau, Gallimard, Paris, 2011, pages 261 et 328
    7. Thilo Vogelsang, “Der Chef des Ausbildungswesens (Chef AW)”, in : Gutachten des Institus für Zeitgeschichte, Deutsche Verlags-Anstalt, Stuttgart, 1966, page 154
    8. Heinrich Bennecke, Die Reichswehr und der “Röhm-Putsch”, Günter Olzog Verlag, München, Wien, 1964, page 27
    9. Raul Hilberg, la destruction des Juifs d'Europe, Folio/Histoire vol.1 Gallimard 1995, p. 189
    10. (en) Edward J Erickson (préf. General Hüseyin Kivrikoğlu), Ordered to die : a history of the Ottoman army in the First World War, Westport, CT, Greenwood Press, coll. « Contributions in military studies » (no 201), , 265 p. (ISBN 978-0-313-31516-9, OCLC 43481698, lire en ligne [archive]), p. 493.
    11. Christopher Browning (trad. Jacqueline Carnaud et Bernard Frumer), Les Origines de la solution finale : l'évolution de la politique antijuive des nazis, septembre 1939-mars 1942, Paris, Les Belles Lettres, éditions du Seuil, coll. « Histoire », , 631 p. (ISBN 978-2-757-80970-9, OCLC 937777483), p. 763
    12. Raul Hilberg, op.cit., p. 346 n.32
    13. Christian Gerlach, Krieg, Ernährung, Völkermord, Forschungen zur deutschen Vernichtungspolitik im Zweiten Weltkrieg, Hamburger Edition, Hamburg, 1998, p. 108.
    14. Christian Baechler, Guerre et exterminations à l'Est : Hitler et la conquête de l'espace vital 1933-1945, Paris, Tallandier, coll. « Hors collection », (ISBN 978-2-847-34900-9 et 978-2-847-34906-1, OCLC 944886258), p. 380.

    Annexes

    Bibliographie

    Ouvrages sur Krüger

    • Nicolas Patin, Krüger, un bourreau ordinaire, Paris, Fayard, coll. « Biographies Historiques », , 308 p. (ISBN 978-2-213-70054-0, notice BnF no FRBNF45356700).
    • (de) Josef Wulf, Das dritte Reich und seine Vollstrecker : Die Liquidation von 500 000 Juden im Ghetto Warschau, Berlin, Arani Verlags GmbH, , p. 225-238.
    • Larry Vem Thompson, “Friedrich-Wilhelm Krüger. Höhere SS- und Polizeiführer Ost”, in : Ronald Smelser, Enrico Syring (Hg.), Die SS : Elite unter dem Totenkopf, Paderborn, 2000, p. 320-331.
    • Tuviah Friedman, Tuviah, Der Höhere SS- und Polizeiführer im Generalgouvernement, SS-Obergruppenführer Krüger, Israël, 1995, p. 1–23.

    Ouvrages généraux

    • (de) Ruth Bettina Birn, Die höheren SS- und Polizeiführer : Himmlers Vertreter im Reich und in den besetzten Gebieten, Düsseldorf, Droste Verlag, , 430 p. (ISBN 3-7700-0710-7).
    • (de) Werner Präg et Wolfgang Jacobmeyer, Das Diensttagebuch des deutschen Generalgouverneurs in Polen, 1939-1945, Stuttgart, Deutsche Verlags-Anstalt, coll. « Quellen und Darstellungen zur Zeitgeschichte », , 1026 p..
    • Larry Vem Thompson, Nazi Administrative Conflict. The Struggle for Executive Power in the General Government of Poland 1939-1943, Dissertation, University of Wisconsin, 1967.

    Liens externes

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